Rêves de rédactrice

billet blog Notre Dame

Par Claire Goutines le 8 mai 2019 - Catégories : Actus

L’intérêt de la rédaction est qu’elle me transporte dans des univers très divers. Débuter la matinée en écrivant un dossier web sur la marche nordique, puis se pencher sur la différence entre géothermie et aérothermie pour un magazine sur les énergies renouvelables, continuer en expliquant dans une newsletter l’importance de la sérialisation dans les pharmacies hospitalières et pour clore la journée, produire un billet de blog sur la marque employeur.

OK, cette gymnastique neuronale est mon quotidien de rédactrice et j’adore cette variété ! Je pars du principe que tous les sujets sont intéressants à partir du moment où j’ai face à moi des gens passionnés par leur métier, qui sauront mettre en avant les atouts de leurs produits ou services. À moi ensuite de faire ressortir ces fameuses aspérités marketing, celles qui piquent légèrement et qui feront la différence en communication. Qu’on se le dise, le rédacteur a horreur du lisse et préfère un peu de rugosité, des bénéfices qui émergent et sortent du lot, sur lesquels il va prendre appui pour trouver les mots percutants.

Mais j’avoue, certains sujets sont plus inspirants que d’autres, c’est humain ! Dernièrement, j’ai donc eu la chance de vivre des petits moments de grâce. Vous savez, ces instants suspendus où la plume est légère, le clavier fluide et les doigts déliés…

Un billet de blog sur Notre-Dame

Depuis peu, j’anime le blog du Village du Livre, près de Coutras (33). Un endroit merveilleux pour qui aime, comme moi, le papier, la littérature et l’insolite. Est-ce un cabinet de curiosité ? Une librairie d’occasion ? Un espace d’exposition ? Un ancien moulin ? C’est tout cela à la fois. Sur plus de 5000 m², il y a des livres plus ou moins usés, des tableaux, des antiquités, des oiseaux empaillés, des statues, un gramophone, de vieilles cartes postales. Et des nénuphars dehors parce que le maître des lieux est passionné d’aquaculture ! Au dernier étage de l’imposant édifice en pierre, une salle de classe aligne des bureaux en bois d’écoliers, des plumiers et les cartes géographiques que nos maîtresses suspendaient au tableau. Et bien sûr, des cahiers d’exercices de calcul et d’orthographe. Bonheur !

Tourné vers la sauvegarde du patrimoine papier, le Village du Livre assume un désordre charmant, mais organisé, et l’envie de partager. Sur place, concerts, animations ou brocante invitent à la découverte. Par mail, la newsletter tient les clients informés des dernières actualités du lieu. Justement, dans la lettre d’avril, comment ne pas évoquer Notre-Dame ? Dans les stocks du Village du Livre, de nombreux ouvrages parlent de cet édifice. Me voici donc en charge d’écrire un billet de blog sur les archives traitant de la cathédrale. Et je passe une matinée délicieuse, entourée par des documents anciens, voire très anciens : une affiche de cinéma, une brochure sur l’architecture de l’église, un journal gastronomique invitant à une balade sur les quais de Seine, un numéro de la revue « L’Illustration » daté du samedi 7 juillet 1894 et retraçant les obsèques de Carnot à Notre-Dame. Sans oublier en format poche une édition du roman de Victor Hugo, bien sûr.

Dans ces vieux livres, je pioche des bribes afin de construire mon article. Que le français du 19e et du milieu du 20e siècle est beau ! J’admire la maîtrise de la langue, la richesse des adjectifs, les tournures des phrases et je prends un plaisir fou à choisir des extraits de ces textes magnifiques qui décrivent la cathédrale d’une manière incomparable : « ces anges là-haut qui pleurent et qui bénissent et qui communiquent d’une tour à l’autre… ce satyre accoudé au deuxième étage qui lui tire la langue… », « Paris a beau accumuler les pierres sur les pierres… c’est Notre-Dame, dont le destin n’a jamais cessé de s’identifier à la nation française, qui demeure, à l’orient de l’île de la Cité, son permanent symbole », « Tous les siècles ont ajouté des strophes de prières ou de pierre, de musique ou de marbre… Il est des musées désertés ou des temples secrets, que les rumeurs de la vie abandonnent lentement. Voilà ce qui, depuis huit siècles, n’a jamais menacé l’église-mère de Paris. Le silence n’est pas fait pour elle qui, une fois pour toutes, a été faite pour la vie de l’âme et de l’esprit ». Prémonitoire, cette dernière phrase me renvoie aux travaux déjà entamés sur le toit de l’édifice et à la reconstruction à venir.

Victor Hugo associé à Barbara

Sans aucune raison, voilà que mon clavier me ramène une nouvelle fois à Victor Hugo, pour une tout autre occasion. Depuis 2 ans, grâce à l’agence Kafecom, je collabore avec l’organisme Sud Vendée Tourisme qui promeut les séjours et la découverte de cette belle région. Je rédige notamment des articles pour leur magazine « Tellement UniqueS » sur différentes thématiques : l’histoire, la gastronomie, les plages, les réserves naturelles, etc. Cette année, me voici en charge d’un sujet atypique : le monde de la nuit et de l’astronomie. Parce qu’un passionné, astrophotographe, est venu poser ses valises et son télescope dans cette région de Vendée, les villages voisins ont développé des animations autour des étoiles. Parmi eux, la réserve naturelle de St Denis du Payré (85) a imaginé un joli rendez-vous en nocturne baptisé « Les ouvertures crépusculaires ». Il s’agit d’inviter un petit groupe de personnes à observer les oiseaux qui se posent à la tombée du jour.

C’est là que Victor Hugo surgit de ma mémoire. Au moment de rédiger l’article sur « Les ouvertures crépusculaires », l’adjectif me renvoie au poème que j’ai appris, enfant « Semailles ». Voyons, je me souviens de la première strophe, guère plus :

« C’est le moment crépusculaire.

J’admire, assis sous un portail,

ce reste de jour dont s’éclaire

la dernière heure du travail ».

Voilà qui mérite plus de précisions ! Je saisis donc mon Anthologie de la poésie française et je savoure l’intégralité du texte. Que le verbe d’Hugo est puissant ! La fin est tout simplement magistrale :

« … Tandis que, déployant ses voiles,

L’ombre où se mêle une rumeur,

Semble élargir jusqu’aux étoiles,

Le geste auguste du semeur. »

Tout à coup, l’inspiration vient et d’un trait, je tape ce texte pour raconter ces observations nocturnes et l’atmosphère qui s’en dégage : « Au coucher du soleil, cigognes, spatules, échasses ou barges à queue noire viennent se poser pour dormir. C’est le moment crépusculaire, cher à Victor Hugo et peu à peu, l’ombre déplie ses voiles, dans un bruissement d’ailes. »

Mais d’où sort ce bruissement d’ailes ? Je sais que ces mots sont tapis quelque part dans ma mémoire, mais d’où viennent-ils ? J’y suis ! Comme l’aigle noir, ils surgissent de la chanson de Barbara. Et là, je ferme les yeux et je savoure. Pour un magazine touristique, dans une même phrase, j’ai associé Victor Hugo et Barbara. Et dans ces moments-là, la rédaction c’est tout simplement magique…